La lumière bleue fait de
plus en plus parler d’elle car elle est émise notamment par les écrans
omniprésents. Y sommes-nous vraiment de plus en plus exposés ? La lumière bleue
représente-t-elle un réel danger pour les yeux ? Faut-il s’équiper de lunettes
anti lumière bleue quand on utilise beaucoup les écrans ? Réponses de
spécialistes.
Une partie de la lumière
spectrale peut être dangereuse pour notre rétine. Pour se protéger d’une partie
de la lumière émise par nos écrans, des lunettes anti "lumière bleue"
ont vu le jour. En quoi sont-elles utiles ?
La lumière bleue, qu'est-ce que c'est ?
La lumière bleue est une
partie du spectre de la lumière, dont les longueurs d'onde se situent entre 380
et 500 nanomètres. Elle est émise par le soleil, mais aussi par les sources
lumineuses artificielles : ampoules LED et écrans (tablettes, télévisions,
ordinateurs, smartphones).
La lumière bleue
potentiellement dangereuse représente une petite partie seulement de l’ensemble
de la lumière bleue existante : ce sont les longueurs d'onde bleu-violet.
"Le spectre de la lumière du jour ou de la lumière artificielle comprend
des bandes de couleur. Parmi elles, du bleu turquoise, lumière bonne pour le
moral, et puis du bleu-violet, lumière à laquelle nous sommes de plus en plus
exposés", explique le Dr Petra Kunze, ophtalmologiste à Paris.
En effet, l’énergie qui
atteint la rétine dans le cas de la lumière bleu-violet est plus forte que dans
le cas de la lumière bleu turquoise. Les écrans tout particulièrement diffusent
des pics de lumière bleue appelée lumière à Haute Energie Visible (ou HEV).
En 2014, les Français
ont passé en moyenne 6 heures devant un écran. On estime qu'un enfant né en
2015 aura passé à l'âge de 7 ans l'équivalent d'une année pleine, jour et nuit,
à scruter un écran. "En plus de cela, la couche d'ozone ne joue plus
autant son rôle de filtre solaire", rappelle le Dr Kunze.
Nous voilà donc
surexposés à cette lumière bleue, et cela dès le plus jeune âge. Cela n’est pas
sans conséquences pour nos yeux. D’autant plus chez les enfants en dessous de
14 ans, dont le cristallin de l’œil ne filtre pas aussi bien et pour qui cette
lumière bleue s’avère encore plus nocive.
La lumière bleue dangereuse pour les yeux
"Il a été démontré
sur un modèle in vitro de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) que la
longueur d'onde la plus toxique pour les cellules rétiniennes est située autour
de 415-455 nanomètres", explique le Pr Serge Picaud neurobiologiste et
directeur Inserm à l’Institut de la Vision1. Cette zone phototoxique correspond
bien à une lumière bleu-violet dans le spectre de l'arc en ciel.
Des recherches scientifiques
ont conclu qu'une exposition prolongée au rayonnement de lumière bleue ou
lumière HEV artificielle provoquait des lésions photochimiques de la rétine et
du cristallin. "Plusieurs études épidémiologiques ont démontré que cette
lumière bleue était bien un facteur de risque de la DMLA", rappelle le Pr
Serge Picaud2,3. L'implication de la lumière bleue dans le développement de la
cataracte est également suspectée.
Cependant, la lumière
bleue peut aussi avoir des effets bénéfiques. Elle aide à nos rythmes
circadiens (l’alternance veille/sommeil) et notre humeur. Cette fois-ci, c’est
la lumière bleue turquoise (vers 490 nm) qui permet de recaler nos rythmes lors
d’un décalage horaire. Cette dernière régule la production de mélatonine, notre
"hormone du sommeil"4.
Une prévention grâce à des lunettes anti lumière bleue
"Il n’existe pas
vraiment de protection possible, hormis de mettre des filtres entre les sources
de lumière et nos yeux", informe le Dr Petra Kunze. Il existe des filtres
anti lumière bleue pour les écrans, mais peu répandus.
En France, plusieurs
marques proposent depuis peu des verres de "photoprotection
sélective", en d’autres termes des lunettes dont les verres présentent un
traitement filtrant. Leur principe ? Protéger l'œil des longueurs d'ondes
lumineuses toxiques pour la rétine. Ces verres filtrent la lumière bleu-violet
mais laissent passer la lumière bleue turquoise, afin de préserver les effets
bénéfiques de cette dernière sur la vision et la régulation de l'horloge
biologique interne. Ces verres présentent un léger reflet, bien évidemment
violet.
Quid de leur efficacité
? "La démonstration de leur efficacité a été faite in vitro et n'est pas
quantifiable pour l'homme dans l'état actuel des travaux", indique
Jean-Manuel Finot, opticien1. "Ces verres bloquent une partie importante
de la lumière parmi les longueurs d'ondes identifiées comme toxiques pour la
rétine. On peut donc supposer qu'il y existe une réelle protection des cellules
rétiniennes", rajoute le neurobiologiste Pr Serge Picaud.
Lunettes anti lumière bleue : qui est concerné ?
"Toutes les
personnes exposées à cette lumière bleu-violet plus de 30 mn par jour
pourraient bénéficier de ces lunettes anti lumière bleue", Dr Kunze. Soit
presque tout le monde ! "En tout cas, si vous passez la journée devant un
écran et surtout si vous aimez marcher à l'extérieur, c'est très
recommandé", ajoute l'ophtalmologiste. Le spécialiste conseille en
complément de faire des cures de 3 mois de compléments alimentaires pour les
yeux à partir de 40 ans (à base de lutéine, vitamine E, zinc, antioxydants...),
pour réparer les phototraumatismes.
"Si vous avez des
antécédents familiaux de DMLA ou de cataracte, il est très fortement conseillé
de se munir de ces verres anti lumière bleue", estime l’opticien
Jean-Manuel Finot. Attention toutefois, tous les verres ne se valent pas : les
différents modèles existant ne filtrent pas tous le même pourcentage de lumière
toxique.
Il n'existe pas de
contre-indication au port de ces verres anti lumière bleue. "Le seul
facteur limitant est que ces verres empêchent la lumière bleue d’atteindre la
rétine en la réfléchissant, ce qui entraîne un reflet résiduel, peu esthétique
au goût de certains", souligne Jean-Manuel Finot. Cependant, ces
protections oculaires devraient encore faire des progrès à l'avenir. "On
peut espérer des verres plus protecteurs", annonce le Pr Picaud dont
l'équipe continue à travailler sur ce sujet.
Côté prix, il faut
compter entre 35 et 50 euros par verre pour une paire de lunettes filtrant la
lumière bleue sans correction, pour les personnes de moins de 40 ans n'ayant
aucun problème visuel. Un surcoût par verres dépendra de votre correction si
vous avez des lunettes correctives.
Et comme autre piste de
protection ? "Dans le futur, il serait utile également que tous les écrans
aient des filtres intégrés, tout comme les ampoules", estime
l’ophtalmologiste Dr Petra Kunze. Une façon efficace de protéger la vision de
toute la population, sans avoir besoin de s'équiper en plus de lunettes
Témoignage de Victoire, 29 ans, journaliste (Paris)
"J'ai 29 ans dont
21-22 ans passés avec des lunettes. J'ai décidé d'acheter des lunettes avec des
verres anti lumière bleue il y a deux ans après avoir vu des reportages et fait
des recherches sur les dangers de la lumière bleue. Je passe près de 10 heures
par jour sur mon ordinateur, sans compter le temps passé sur mon smartphone. En
tout, j’ai payé environ 40 euros de plus par verre mais je ne regrette pas cet
achat ! Mon confort visuel est inchangé. Mes interlocuteurs voient seulement
certaines lumières reflétées en violet sur mes lunettes mais comme avec un
antireflet classique. En revanche, depuis que je les utilise, j'ai beaucoup
moins de maux de tête et les yeux moins secs qu'auparavant."
Anne-Sophie
Glover-Bondeau
No comments:
Post a Comment