Les plantes contenant des phytoestrogènes
sont-elles vraiment efficaces pour réduire la fréquence des bouffées de
chaleur, les sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale,symptômes fréquents
de la ménopause (également appelés troubles ou symptômes climatériques) ?
Afin d’en savoir plus sur cette efficacité supposée par nombre de femmes et de
professionnels de santé, Oscar Franco et ses collaborateurs ont mené une vaste
méta-analyse de 62 études incluant près de 7 000 femmes.
Les résultats, publiés fin juin
2016 dans le JAMA, montrent une efficacité
significative, bien que modeste, de plusieurs phytoestrogènes contre les
bouffées de chaleur et la sécheresse vaginale. Par contre, les auteurs
n’ont pas retrouvé de diminution des sueurs nocturnes.
Bien que les auteurs soulignent l’importance des biais potentiels dans
les 62 études compilées, leurs résultats sont proches de ceux d’autres
études randomisées.
En conclusion, Franco et coll. estiment que leurs résultats renforcent
l’idée de l’utilité des phytoestrogènes contre deux des symptômes climatériques
de la ménopause. Ils insistent cependant sur la nécessité de protocoles
plus rigoureux à l’avenir pour emporter la conviction des médecins
face à ces résultats intéressants mais disparates.
Les troubles climatériques affecteraient environ 1 femme ménopausée
sur 2
Des bouffées de chaleur, sueurs nocturnes et/ou une sécheresse
vaginale peuvent apparaître au moment de la ménopause et ensuite.
D'autres symptômes climatériques sont également possibles (troubles de
l'humeur, du sommeil, fatigue).
Selon une étude récente menée en France, Allemagne, Italie, Espagne et au
Royaume Uni, 50,3 % des 5 600 femmes ménopausées interrogées présenteraient
des bouffées de chaleur et/ou sueurs nocturnes (Int J Womens Health 2013).
Leur intensité et fréquence de survenue est très variable. Selon cette analyse,
les bouffées de chaleur et/ou sueurs nocturnes sont perçues comme légères (24.6
%), modérées (17,6%) ou sévères (8,1%).
Quant à la sécheresse vaginale, elle affecterait un peu plus
d'un tiers (35 %) des femmes ménopausées, selon une autre étude récente (Menopause 2016).
Un impact pesant sur la qualité de vie
conduisant à la recherche de traitements efficaces
Ces troubles, en particulier lorsqu'ils sont intenses et/ou fréquemment
répétés, perturbent la vie au quotidien et la sexualité.
Certes, le traitement hormonal substitutif (THS) peut permettre
d'y pallier souvent efficacement, mais, en raison de son possible
impact cardiovasculaire et cancérigène, soulevé initialement par
l'étude WHI (JAMA 2002) puis relativisé et précisé, il est moins utilisé et ses
indications ont été précisées.
Lorsque le THS est utilisé (voir VIDAL Reco "Ménopause :
traitement hormonal - arbre décisionnel"), pour les femmes ménopausées ayant des troubles du climatère et
demandeuses d'un traitement, après information sur les risques
et en absence de contre-indication, c'est à dose minimale
efficace avec révision annuelle de la pertinence du traitement.
En l'absence de prescription d'un THS, de nombreuses femmes utilisent
des thérapies "alternatives", incluant la phytothérapie, pour
tenter de diminuer ces symptômes. Mais présentent-elles une efficacité
mesurable ? [édit 13/7 22h30]
Parmi les plantes utilisées, les phytoestrogènes ont été les plus
étudiés
Les produits à base de plantes utilisés pour tenter de lutter contre les
symptômes gênants de la ménopause contiennent des phytoestrogènes,
molécules à la composition proche de celle des estrogènes, d'où un
effet attendu proche de celui de la prise d'estrogènes.
Il s'agit le plus souvent du soja alimentaire ou des extraits de soja (riches
en isoflavones et en lignanes), detrèfle rouge (riches en
formononétine, biochanine A, daidzéine et génistéine), ou encore d'actée à
grappes noires (voir notre article
sur Eureka Santé).
Ce sont les produits qui ont fait l'objet du plus grand nombre d'études dans
la méta-analyse d'Oscar Franco et de ses collaborateurs (36 études sur 62).
D'autres thérapies à base de plantes ont également été testées (16 études
retenues pour la méta-analyse), ainsi que des plantes médicinales
chinoises (10 études).
Soja et trèfle rouge : efficacité modeste contre les bouffées de chaleur et
la sécheresse vaginale, inefficacité contre les sueurs nocturnes
Sur les 36 études testant spécifiquement les phytoestrogènes (isoflavones de
soja, trèfle rouge, autres phytoestrogènes),15 ont été retirées par manque
d'homogénéité des critères d'analyses,mais leurs résultats n'infirment
pas ceux obtenus par les 21 retenues.
Les résultats des études comparant la prise alimentaire de soja, de compléments
ou extraits de soja ou encore de trèfle rouge à l'absence de prise de
phytoestrogènes montrent une réduction
modeste, mais significative sur le plan statistique , de la fréquence des bouffées de chaleur chez les femmes
prenant ces phytoestrogènes. Cette différence est évaluée par la
différence moyenne cumulée entre groupes de traitement, soit -1,31 (IC95% -2,02
à -0,61).
De plus modestes résultats, mais également significatifs, sont obtenus contre
la sécheresse vaginale avec ces phytoestrogènes : différence moyenne
cumulée entre groupes de traitement de -0,31 (IC95% -0,52 to -0,10]). [édit
13/7 22h30] Il existe, en dehors du THS (cf. supra), des traitements
locaux contre la sécheresse vaginale
En revanche l'usage de ces phyto-estrogènes apparaît inefficace face
aux sueurs nocturnes, l'intervalle de confiance s'avérant trop étendu
: différence moyenne cumulée entre groupes de traitement de -2,14, mais
intervalle de confiance entre -5,57 (effet important) à + 1,29 (effet inverse).
L'actée à grappes noires inefficace contre les bouffées de chaleur
La cimiquaire ou actée à grappes noires (Actea racemosa,
ex Cimifuga racemosa) ne montre, elle, pas d'efficacité
significative (résultats conformes à d'autre études basées sur
le score clinique de Kupperman).
Résultats mitigés avec d'autres plantes et molécules
Les compléments alimentaires à base d'autres plantes - graines
de lin, millepertuis (Hypericum perforatum), onagre (huile), germe de
blé ou gattilier (Vitex agnus castus) - donnent des résultats
variables, parfois positifs, en usage isolé ou en association.
Des molécules très ciblées donnent des résultats positifs contre les
bouffées de chaleur : ERr 731 (extrait de la rhubarbe sauvage
- Rheum rhaponticum) et le pycnogénol (extrait de l'écorce de pin).
Les herbes médicinales chinoises telles le "dong quai"
(Angélique de Chine), en revanche, échouent à faire la
preuve de leur efficacité en méta-analyse
Des limites, biais d'interprétation de l'efficacité et une absence
d'évaluation des éventuels effets indésirables
La méta-analyse a pris en compte les études d'observation et d'intervention des
traitements par phytoestrogènes, dans un large éventail de plantes communément
considérées comme actives dans la culture populaire locale : cela va des
phytoestrogènes biologiquement reconnus (soja, trèfle rouge, actée à grappes
noires) aux plantes chinoises de connaissance encore empirique actuellement.
Les durées d'utilisation testées étaient aussi très larges, de 4
semaines à 2 ans.
La grande disparité des traitements statistiques des études
prises en compte a obligé Franco et coll. à réduire les périodes d'analyse et à
recourir à des corrections mathématiques pour en extraire des données
convenables.
Néanmoins, les 62 études sélectionnées restent sujettes à des biais qui
réduisent leur puissance de conviction, dont les principales sont la difficulté
d'établir l'authenticité des produits absorbés, les différences
éthniques mal cernées ainsi que l'âge des participantes.
Les auteurs pointent aussi le faible nombre d'études pour de nombreux
protocoles phytothérapeutiques, ce qui restreint l'analyse.
S'ajoute à ces limites la difficile évaluation des signes climatériques (avec
ou sans le score de Kupperman). Enfin, il n'y a pas d'évaluation correcte
des effets indésirables, comme l'augmentation éventuelle des cancers
hormono-dépendants.
En conclusion : un intérêt des phytoestrogènes de soja et du trèfle
rouge pour diminuer les bouffées de chaleur et la sécheresse vaginale, mais des
études plus rigoureuses sont nécessaires
Malgré ces limites importantes et la modestie observée des résultats,
les données de cette méta-analyse justifient, selon Franco et coll., de compléter
les investigations avec des protocoles rigoureux, en raison de
l'impact des troubles ménopausiques sur la vie personnelle et professionnelle
des femmes en périménopause.
Il faudrait en particulier évaluer si ces prises régulières de
phytoestrogènes ont des effets indésirables.
En attendant ces nouvelles données, les auteurs estiment que les
études déjà effectuées confirment uneffet modeste mais significatif des
phytoestrogènes sur les bouffées de chaleur et la sécheresse vaginale, mais
pas sur les sueurs nocturnes
En savoir plus
L'étude objet de cet article :
Oscar H. Franco, Rajiv Chowdhury, Jenna Troup et al. Use of Plant-Based Therapies and Menopausal Symptoms. A
Systematic Review and Meta-analysis. JAMA.
2016;315(23):2554-2563. doi:10.1001/jama.2016.8012
Autres études citées par les auteurs et mentionnées dans cet article :
Dibonaventura M, Chandran A, Hsu MA, Bushmakin A. Burden
of vasomotor symptoms in France, Germany, Italy, Spain, and the United Kingdom.
Int JWomens Health. 2013;5:261-269.
Erekson EA, Li FY, Martin DK, Fried TR. Vulvovaginal
symptoms prevalence in postmenopausal women and relationship to other
menopausal symptoms and pelvic floor disorders. Menopause. 2016
Apr;23(4):368-75. doi: 10.1097/GME.0000000000000549.
Writing Group for the Women's Health Initiative Investigators. Risks
and Benefits of Estrogen Plus Progestin in Healthy Postmenopausal Women
Principal Results From the Women's Health Initiative Randomized
Controlled Trial. JAMA. 2002;288(3):321-333.
doi:10.1001/jama.288.3.321.
Sur VIDAL.fr :
Sur Eureka Santé (site grand public de VIDAL) :
Sources
: JAMA
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